2006-12-15

Quel avenir pour l'agriculture suisse: Accord de libre-échange avec l'UE pour les produits agricoles – ou déclin?

Nous avons un problème...

En 2004…


- 92'000 personnes occupées à plein temps dans 64'000 exploitations agricoles ont produit des marchandises pour une valeur de 9.7 milliards de francs ;
- elles ont touché en plus 2.5 milliards de francs de rémunération pour les prestations générales et écologiques et 720 millions de francs de subventions (soutien du marché, améliorations foncières)
- et ont réalisé un revenu net de 3 milliards de francs.

Cela signifie que 2.6% de la population active a réalisé 1.3% du produit intérieur brut.

Malgré la baisse des prix agricoles de plus de 25% depuis le début de la réforme de la politique agricole en 1992, les prix à la consommation ont augmenté de près de 10%. Ils sont toujours nettement supérieurs à ceux de l’UE. Cela est dû pour un tiers environ au niveau presque deux fois plus élevé des prix des produits agricoles ; les coûts de transformation et les marges plus élevés étant responsables des deux tiers restants.

Il faut agir...

Dans l’agriculture, on constate que tous les efforts faits jusqu’à maintenant ne sont pas ou que très partiellement « arrivés » jusqu’aux consommateurs. Quant aux entreprises de transformation, elles critiquent les prix trop élevés de la matière première, qui seraient la principale cause de leur manque de compétitivité. En outre, tout le secteur agroalimentaire craint qu’une plus grande ouverture des frontières et le tourisme alimentaire en constante progression conduisent à des pertes de parts de marché.

Enfin, la pression externe sur la réforme de notre politique agricole, que cela soit par l’OMC ou par d’autres traités de libre échange, va encore augmenter ces 5 à10 prochaines années.

Un ALE CH – UE : pas seulement des concessions, mais aussi des perspectives….

Tous les développements internationaux auxquels on peut s’attendre conduiront immanquablement à une baisse du revenu agricole. Cela vaut aussi bien pour un futur accord OMC, comme pour d’autres accords de libre échange.

Un accord de libre échange avec l’UE dans le domaine agroalimentaire aura par contre au moins l’avantage d’offrir de nouvelles perspectives pour la vente de nos produits. De plus, il provoquera aussi une baisse des coûts. Enfin, les secteurs situés en amont ou en aval de l’agriculture devront aussi s’adapter et entreprendre les réformes structurelles nécessaires.

Un accord de libre échange avec l’UE signifie :

- Un accès total au marché européen (environ 500 millions de consommateurs à partir de 2007; l’UE est importatrice nette). Cela signifie non seulement abrogation des droits de douane, mais aussi suppression de toutes les barrières non tarifaires. En conséquence, une harmonisation, une reconnaissance mutuelle ou une reprise des réglementations en vigueur dans l’UE auraient lieu dans les secteurs suivants : engrais, produits antiparasitaires, compléments alimentaires, produits vétérinaires, moyens de production brevetés, variétés, animaux et denrées alimentaires (étiquetage, AOC et IGP).

- Comme pour l’agriculture, l’ouverture au marché européen serait aussi effective pour les secteurs de la transformation et de la distribution. La pression exercée par l’ouverture du marché amènerait une réduction de 40% environ de la « marge » actuelle de transformation et de distribution. La baisse des prix agricoles serait reportée sur les consommateurs.

- L’amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs contribuerait à l’amélioration de la compétitivité de notre pays. Cela encouragerait aussi notre population à mieux accepter la politique agricole.

- L’attrait du tourisme alimentaire serait fortement diminué, voire supprimé. Seulement pour le secteur de la viande, il est estimé à plus de 500 millions de francs par année.

- Notre pays resterait indépendant en matière de politique agricole, ce qui ne serait pas le cas lors d’une adhésion à l’UE. Cela est particulièrement important dans les domaines des paiements directs et des aides à l’investissement.

- De nouvelles perspectives s’offriraient à tout le secteur agricole. Ce dernier aurait ainsi la possibilité de compenser, en tout cas partiellement, la baisse de revenu en saisissant les possibilités d’exportation et de baisses de coûts qui s’offriront à lui.

Un ALE avec l’UE est un défi pour tout le secteur agroalimentaire, et pas seulement pour l’agriculture. Les expériences faites dans les secteurs du fromage et du vin ainsi que par l’agriculture autrichienne lors de l’adhésion à l’UE montrent qu’un tel défi peut être relevé avec des mesures d’accompagnement.
Nous avons besoin d’une politique agricole offensive et tournée vers l’avenir, avec l’objectif de ne pas seulement demander des concessions aux intéressés, mais aussi d’offrir des perspectives à ceux qui veulent aller de l’avant. Tous les efforts faits jusqu’à maintenant et les adaptations encore demandées dans AP 2011 n’ont un sens que si elles conduisent à l’ouverture du marché européen. C’est la seule alternative à une politique protectionniste qui aura comme conséquence inéluctable le déclin d’une agriculture productive.


Résumé de l’exposé de Hans Burger, GPAO, vendredi 15 décembre 2006, Association des Maîtres Agriculteurs de la Suisse Romande à Moudon